Le rôle de l’employeur en cas d’absences longue durée
Le rôle de l’employeur en cas d’absences longue durée
Les absences de collaboratrices et collaborateurs pour des raisons de santé placent régulièrement l’employeur face à un certain nombre de défis: du maintien du versement du salaire à la coordination des indemnités journalières, en passant par l'accompagnement des collaboratrices et collaborateurs et le respect des obligations légales. Par ailleurs, les absences n’impactent pas uniquement les personnes concernées, mais aussi l'équipe, qui doit souvent assumer des tâches supplémentaires. Cette situation peut entraîner une surcharge de travail, augmenter le risque de surmenage et engendrer des absences supplémentaires.
Que faut-il faire lorsque des collaboratrices et collaborateurs sont en incapacité de travail pendant une longue période?
Tout employeur est tenu de garantir la protection de la santé de ses collaboratrices et collaborateurs, assumer son devoir d’assistance, planifier de manière anticipée, tout en sauvegardant les intérêts de l'entreprise, en respectant les obligations légales et en s'occupant du traitement administratif des absences.
Les absences longue durée augmentent-elles?
En 2023, le volume des absences des employés dues à des accidents ou des maladies représentait 248 millions d’heures (source: Office fédéral de la statistique). Dans certains secteurs, le nombre de cas et la durée des absences ont littéralement explosé ces dernières années. La hausse des maladies liées à la santé mentale est particulièrement frappante.
Une étude de Swica en collaboration avec WorkMed datant de mars 2022 indique que: «Les incapacités de travail liées à des troubles psychiques durent en moyenne 218 jours et représentent, dans 95% des cas, des arrêts de travail à temps plein.»
L'Office fédéral de la statistique (OFS) précise qu’en 2023, 64,2% des absences étaient dues à un accident ou une maladie. Dans 52% des cas, les rentes AI étaient versées en raison d’une maladie psychique, tandis que 6% des rentes étaient attribuées pour des cas d'incapacité de gain résultant d’un accident.
Quelles sont les principales obligations de l’employeur en cas d'absences longue durée?
En 1877, la Suisse a adopté la Loi fédérale concernant le travail dans les fabriques qui protégeait pour la première fois les employés au niveau fédéral. Outre une durée de travail quotidienne maximale de onze heures et l'interdiction du travail des enfants, elle prévoyait la responsabilité de l'employeur en cas d'accident. Près de 150 ans plus tard, il existe une multitude d'assurances sociales obligatoires, seule l'assurance indemnités journalières en cas de maladie reste facultative.
Il faut faire une distinction entre l’obligation de l'employeur de protéger la santé de ses employés et sa responsabilité de les indemniser s’il échoue à remplir cette obligation. Cette indemnisation doit impérativement être couverte par une assurance, pour éviter que l’employeur ne devienne insolvable en cas de sinistre et que les collaborateurs ne supportent ensuite le dommage - à l'exception de la maladie déjà mentionnée.
Extrait des obligations de l’employeur
- Devoir d’assistance selon l’art 328 CO
- Protection de la santé selon la Ltr, l'OLT3 et l'OLT4
- Prévention contre les accidents et sécurité au travail selon la LAA et l'OPA
- Obligation de verser le salaire selon les art. 324ss CO
- Protection contre les congés selon l'art. 336c CO
Qu'est-ce que l'incapacité de travail et l'incapacité de gain?
Lorsque l’on parle d’absences longue durée, des termes tels que incapacité de travail, incapacité de gain, maintien du salaire, indemnités journalières, rente, protection contre les congés, délais de protection, sont régulièrement évoqués. Nous abordons ces notions plus en détail dans les paragraphes suivants.
Incapacité de travail
L'incapacité de travail est un empêchement temporaire d'exercer l'activité professionnelle actuelle. Cela signifie que l'on peut supposer une amélioration de santé et un retour au poste de travail actuel. L'incapacité de travail est évaluée et confirmée par un médecin qui atteste du degré d'incapacité de travail en pourcentage, en fonction de l'activité actuelle.
Exemple: Une jambe cassée entraînera probablement une incapacité de travail plus longue pour un couvreur que pour un employé de bureau.
Le certificat médical ne mentionne aucun diagnostic et l'employeur n'a d'ailleurs pas le droit de le connaître. Dès lors, il est difficile d'estimer la durée de l’absence et, en cas de répétition, de déterminer s'il s'agit de la même maladie ou d'une maladie différente.
De plus, l’incapacité de travail ne peut se référer qu’à l’emploi actuellement occupé. Dans le cas de l'incapacité de travail liée au poste, l'employé est considéré comme incapable de travailler pour son activité ou employeur actuels, mais cette incapacité de travail ne s'applique pas à une autre activité ou un autre employeur. Il s'agit généralement d'une maladie psychique qui est due à un conflit sur le lieu de travail. Pour prévenir de telles situations, il est crucial que l'employeur identifie les conflits en temps opportun et mette en œuvre des mesures appropriées et proactives pour empêcher que ces conflits ne s'aggravent et n’entraînent des incapacités de travail.
Il a été longuement débattu de l'application des délais de protection en cas d'incapacité de travail liée au poste occupé. Il y a quelques mois, le Tribunal fédéral a statué dans un cas que les périodes de protection ne s'appliquent pas si les atteintes à la santé sont si minimes qu'elles se limitent à l'actuel lieu de travail et n'entravent pas la prise d'un nouvel emploi. Par conséquent, l'employé peut immédiatement commencer à travailler ailleurs sans aucune restriction.
Il convient également de souligner que les assurances d'indemnités journalières en cas de maladie suspendent souvent leurs prestations en cas d'incapacité de travail liée au poste de travail.
Incapacité de gain
Contrairement à l'incapacité de travail, l’incapacité de gain implique l'impossibilité d'exercer une activité de manière permanente. Cela sous-entend qu'aucune amélioration de l'état de santé n'est envisagée et que l’impact sur la santé est si important qu'on ne peut raisonnablement exiger l’exécution, non seulement de l'activité exercée jusqu'à présent, mais de plus aucune activité du tout.
Déterminer une incapacité de gain est très compliqué et prend généralement beaucoup de temps. Cette tâche incombe à l'assurance-invalidité. C’est également celle-ci qui détermine s’il y a une incapacité de gain (invalidité) et à quel degré.
Le degré d'invalidité est calculé, pour les personnes actives, par une comparaison des revenus. La différence entre le revenu de valide (avant l'atteinte à la santé) et le revenu hypothétique en cas d'invalidité représente la perte de revenus et donc le degré d'invalidité. Une rente entière ou partielle sera versée en fonction de ce degré d'invalidité.
Le délai d'attente pour la détermination d'une rente AI peut poser des difficultés pour l'employé et l'employeur. Il est fréquent que l’employeur se sente tenu de continuer de soutenir son employé lorsque les indemnités journalières de maladie arrivent à leur terme, qu'aucune décision de l'AI n'a été rendue et que l’employé ne sait toujours pas ce qui l'attend. Dans cette phase, il n’y a généralement plus d’obligation légale de payer le salaire (sauf en cas de changement d’année de service) et les délais de protection ont souvent déjà expirés. L'employeur serait en droit de résilier le contrat de travail. Cependant, certains employeurs choisissent de maintenir la relation de travail, en gardant le contact, en fournissant un soutien administratif et en gardant un œil sur les délais importants - éventuellement en coopération avec un service de santé ou un Case Management.
Règles appliquées aux licenciements et aux délais de protection
L'employeur et l'employé ont tous deux la possibilité de résilier unilatéralement le contrat de travail en respectant le délai de préavis convenu. Si aucun délai de préavis n'est stipulé dans le contrat, le délai de congé est d’un mois pendant la première année de service, de deux mois de la deuxième à la neuvième année de service, de trois mois ultérieurement.
Si l’employé est en incapacité de travail quand il reçoit la notification de licenciement de son employeur, ce licenciement est nul. Pour émettre un nouveau licenciement, l'employeur doit attendre la fin de l'incapacité de travail ou du délai de protection. Cette réglementation laisse à l'employé le temps de chercher d'un nouvel emploi, car il serait quasiment impossible de le faire pendant une incapacité de travail. En cas de maladie ou d'accident, le délai de protection est de 30 jours (1ère année de service), 90 jours (2ème à 5ème année de service) ou 180 jours (à partir de la 6ème année de service). Les conventions collectives de travail peuvent stipuler qu’un licenciement est interdit pendant une période encore plus longue, par exemple tant que les indemnités journalières sont versées.
Un licenciement effectué par l'employeur pendant le délai de protection est nul. Un licenciement émis avant une incapacité de travail est valable, mais le délai de préavis est suspendu pendant le délai de protection. A l'expiration du délai de protection, le délai de préavis continuera de courir jusqu'à expiration de sa durée totale.
Chaque nouveau cas d'incapacité déclenche un nouveau délai de protection. Par exemple, si une personne malade a un accident pendant le délai de préavis ou si une nouvelle maladie apparaît, cela déclenche un nouveau délai de protection qui court parallèlement au délai de protection de la première maladie. Le délai de préavis est suspendu jusqu'à la fin du délai de protection le plus long. Une fois que les délais de protection et de préavis sont écoulés, le contrat de travail se termine légalement pour la fin du mois en cours.
En cas d’absence prolongée d’un employé, ses tâches peuvent devoir être assumées par les autres employés, ce qui peut augmenter le risque de surcharge de travail et entraîner d'autres absences. Lorsqu'un employé se trouve en incapacité de travail prolongée, l'employeur n'est pas toujours en mesure de maintenir le poste de l'employé vacant pendant plusieurs mois.
Si l'employeur décide de résilier les rapports de travail, il est recommandé d'en discuter avec l'employé, de l'informer de la fin imminente des rapports de travail, et éventuellement de discuter des modalités de la résiliation avant d'envoyer la lettre de licenciement par courrier recommandé.
Il se peut que l'employé souhaite mettre fin à la relation de travail d'un commun accord, par exemple sous la forme d'un accord de résiliation, ou qu'il souhaite donner sa démission. Il faut noter qu'une résiliation faite par l'employé ne déclenche pas de délai de protection et qu'elle reste valable même en cas d'incapacité de travail.
De plus, l'employeur est tenu d'informer l'employé suffisamment tôt avant la fin du contrat de travail sur les conséquences liées aux assurances. Cela peut concerner notamment la prévoyance professionnelle, l'assurance accident et l'assurance indemnités journalières en cas de maladie.
Fin de l'obligation de maintien du salaire
Selon l'art. 324a CO, l'employeur doit continuer de verser un salaire à l'employé pour une durée limitée si ce dernier est empêché de travailler sans faute de sa part pour des causes inhérentes à sa personne, dans la mesure où les rapports de travail ont duré plus de trois mois ou ont été conclus pour une durée plus longue. Toutefois cela ne signifie pas pour autant qu'il doive continuer à verser le salaire jusqu'à la fin de la relation de travail. L'obligation légale de maintien du salaire en cas de maladie est de 100% selon l'art. 324a CO.
Lorsque le travailleur est assuré obligatoirement, en vertu d’une disposition légale contre la perte de gain l’employeur n’est pas tenu de verser le salaire complet, mais seulement de compléter les prestations de l’assurance jusqu’à concurrence de 80% du salaire pendant le temps limité conformément à l'art. 324b CO. Cette règle s’explique par deux motifs : l’assurance garantit au travailleur des prestations sur une plus longue durée que le «temps limité» décrit précédemment et l’employeur contribue au versement des primes.
Selon le droit fédéral, les cas d’assurance perte de gain obligatoire sont actuellement les suivantes:
- assurance-accidents obligatoire selon la LAA;
- allocations en cas de service;
- assurance militaire (pour les maladies et accidents dus au service militaire).
La durée du maintien légal du salaire est déterminée en fonction des années de service de l'employé. Certains tribunaux ont élaboré des échelles déterminant le droit au salaire en fonction de l’ancienneté de service. Dans la pratique, il existe les échelles de Bâle, Zurich et Berne. Plus un employé a travaillé longtemps dans une entreprise, plus la période pendant laquelle l'employeur doit maintenir le salaire est longue. Pour un employé avec peu d'années de service, il peut arriver que l’obligation du maintien du salaire se termine avant la fin du contrat de travail. En cas d’incapacité de travail de longue durée, il peut arriver que l’obligation de continuer à verser le salaire prenne fin, mais que l'employé soit toujours sous contrat si l’employeur ne résilie pas les rapports de travail au préalable. Dans ce cas, un droit limité au maintien du salaire peut naître à nouveau en cas de changement d’année de service.
Dans la pratique, de nombreux employeurs s'assurent contre le risque de maladie en souscrivant une assurance indemnités journalières de maladie qui verse jusqu'à 730 jours indemnités journalières. Si cette assurance est au moins équivalente à la solution légale, l'employeur peut convenir par écrit qu'il n'est pas tenu de maintenir le salaire pendant les premiers jours de maladie, ou que le salaire maintenu est réduit à 80% du salaire assuré dès le début de la maladie.
Coordination entre le maintien du salaire et les indemnités journalières
Si l’indemnité journalière et le maintien du salaire se superposent, l’employeur doit effectuer certains calculs. Il doit déterminer le montant et la durée du maintien du salaire pendant l’incapacité de travail. Si le maintien du salaire est complété par des indemnités d'assurance, ces dernières doivent être coordonnées de manière à ce que l'employeur et l'assurance remplissent chacun leurs obligations légales et/ou contractuelles.
Il est important de distinguer le paiement du salaire de l'indemnité d'assurance dans le décompte des salaires, car les charges sociales sont dues sur la première, mais pas sur la seconde
Il est également nécessaire de noter les différents délais et de surveiller leur date d’expiration (voir tableau ci-dessous).
L'obligation de l'employeur de maintenir le salaire en plus de l'indemnité d'assurance exige de la coordination et dépend de facteurs tels que le niveau du salaire, les prestations assurées, les prestations contractuellement garanties par l'employeur et la durée de l'absence. Il est recommandé d’utiliser un libellé très précis et clair pour les contrats de travail ou les règlements du personnel, et de coordonner leur contenu avec les polices d'assurance. Des pratiques de comptabilisation variées, telles que la réduction du maintien du salaire en cas de maladie et la compensation du salaire net, nécessitent un accord écrit pour être valables.
Compensation entre le maintien du salaire et les rentes AI
Lorsque l'assurance invalidité accorde une rente d'invalidité, elle le fait généralement de manière rétroactive, car les clarifications prennent généralement plus de temps que le délai d'attente.. La personne concernée perçoit alors un versement unique des rentes prononcées avec effet rétroactif. En principe, les prestations des assurances sociales ne peuvent pas être cédées ni nanties. De telles dispositions contractuelles seraient nulles. Une exception réside dans le paiement rétroactif à des tiers qui ont consenti des avances au sens de l’art. 20 LPGA (Partie générale du droit des assurances sociales).
Par conséquent, la décision de rente est notifiée à toutes les parties qui peuvent avoir consenti à des avances. Cela comprend en particulier les employeurs et les assurances d'indemnités journalières. Un employeur peut demander la compensation des salaires versés grâce à la rente AI payée rétroactivement, au moyen d'une demande de compensation (formulaire 318.183) de sorte qu'il recevra une partie de l'argent et évitera que l’employé ne soit indemnisé deux fois. Il est nécessaire que le salaire ait été versé pendant la période de versement rétroactif des rentes.
Toutefois, lorsqu'il y a eu le versement d'indemnités journalières pendant la même période, il y a souvent peu ou rien à compenser à l'employeur, car les assurances d’indemnités journalières ont la priorité en matière de compensation.
Les rentes en cours sont toujours versées directement à la personne concernée, l'employeur doit alors lui-même déterminer ce qu'il doit encore à l'employé.
Délais à respecter en cas d'absences longue durée
Selon leur devoir d’assistance, les employeurs doivent veiller à la santé des employés et les assister en cas d'incapacité de travail de longue durée. Ils doivent notamment surveiller les délais importants suivants:
Délai en jours | À noter/calculer/régler |
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Survenance de l’événement |
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Expiration du délai d’attente de l’assurance |
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Expiration de l’obligation du maintien du salaire |
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30 |
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90 |
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180 |
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dès 360 |
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Rôle de la prévention et de l'accompagnement
Les employeurs peuvent jouer un rôle significatif dans le bien-être de leurs employés - et pas seulement lorsque des problèmes de santé surviennent.
Alors que la prévention des accidents lors d’activités physiques est une notion largement ancrée dans le quotidien des entreprises, les maladies psychiques sont plus difficiles à cerner et sont souvent stigmatisées. Des études montrent que de nombreuses maladies psychiques sont également liées à l'environnement de travail. Cela crée non seulement de l'incertitude et une surcharge de travail parmi les personnes concernées, mais souvent aussi au sein de l'entreprise, y compris pour les dirigeants.
Un accompagnement par des conseillers peut aider en offrant une approche centrée sur la recherche de solutions en contribuant à soulager toutes les parties concernées - dans les bonnes périodes comme dans les situations difficiles. Cela permet de créer une atmosphère de sécurité qui a un effet positif sur tous les employés.