À peine les intermédiaires financiers avaient-ils mis en œuvre la nouvelle loi sur le blanchiment d’argent (LBA) en janvier 2023 que le Conseil fédéral proposait, en août 2023, de nouvelles mesures de lutte contre le blanchiment d’argent. Plus de transparence, des obligations de diligence supplémentaires et d’autres mesures organisationnelles en matière de sanctions - ces éléments font partie intégrante de la procédure de consultation du projet de loi. Le message à l’attention du Parlement est attendu dans le courant de l’année. Encore incertaine, l’entrée en vigueur est toutefois prévue pour 2025. À quelles nouvelles dispositions légales faut-il s’attendre?
En introduisant un registre fédéral des ayants droit économiques, des obligations de diligence applicables aux conseillers et avocats qui exercent des activités particulièrement risquées, ainsi que d’autres dispositions supplémentaires, la Suisse poursuit l'harmonisation de ses lois avec les normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment d'argent en mettant notamment l’accent sur davantage de transparence.
Les principaux éléments de la révision de la loi sur le blanchiment d’argent (LBA) sont:
- La création d’un registre fédéral de transparence pour les personnes morales
- L’introduction d’obligations de diligence plus étendues pour les conseillers et les avocats
- La mise en œuvre de mesures supplémentaires de lutte contre le blanchiment d’argent
Nous vous expliquons ci-dessous les principales modifications prévues.
Le registre fédéral des ayants droit économiques
La Suisse dispose déjà de plusieurs dispositions pour identifier et vérifier les ayants droit économiques. Le renforcement de ces dispositions a été mis en œuvre par le biais de l’entrée en vigueur en 2023 de la révision de la LBA.
En créant un registre fédéral des ayants droit économiques, le Conseil fédéral poursuit d’une part, sa stratégie 2021-2024 contre la corruption et, d’autre part, les recommandations formulées par le GAFI à l’attention de la Suisse dans son rapport 2020 (recommandation n°24).
La Suisse fait face à une pression croissante pour renforcer ses efforts dans la lutte contre le blanchiment d'argent. Les registres purement internes aux entreprises, tels que nous les connaissons en Suisse, ne satisfont plus aux nouvelles exigences internationales. Divers États, dont tous les membres de l'UE, disposent déjà de registres officiels.
L’introduction de la loi fédérale sur la transparence des personnes morales et l'identification des ayants droit économiques (LTPM) vise notamment à ancrer le principe de transparence dans la législation. La gestion sous forme électronique du registre sera confiée au Département fédéral de justice et police (DFJP) et le Département fédéral des finances (DFF) agira en tant qu’organe de contrôle.
L'obligation d'annoncer les ayants droit économiques au DFJP, qui découle de la création du registre de transparence, incombe aux entreprises concernées. Ces dernières ont un délai d’un mois pour annoncer au registre l'identité de ses ayants droit économiques ainsi que toute modification concernant les faits enregistrés dans le registre.
Le registre de transparence ne sera pas accessible au public, mais uniquement à des autorités sélectionnées. La Suisse évite ainsi de commettre la même erreur que certains pays de l'UE dont les registres de transparence étaient accessibles au public et que la Cour européenne a ensuite rappelés à l’ordre pour des raisons de protection des données.
L’institution qui souhaite accéder à ce registre doit d'abord démontrer avoir un intérêt à le consulter.
De même, les intermédiaires financiers et les conseillers au sens de la LBA, ainsi que les avocats qui exercent une activité de conseil, doivent pouvoir consulter les données pour autant que cela soit nécessaire pour satisfaire à leurs obligations de diligence au sens de la LBA.
Les administrateurs, gérants, actionnaires ou associés agissant à titre fiduciaire sont également soumis à une obligation d'annonce. Ces personnes sont tenues de révéler au nom de qui elles agissent. Dans certaines conditions, les sociétés doivent communiquer au registre du commerce et au registre de transparence le nom des personnes pour le compte desquelles elles agissent.
Les infractions aux obligations d'annonce peuvent être sanctionnées par des amendes allant jusqu'à CHF 500'000.
Obligations de diligence pour les conseillers et les avocats
Les obligations de diligence prévues par la législation sur le blanchiment d'argent s'appliqueront désormais à l'exercice de certaines activités de conseil qui présentent un risque accru de blanchiment d'argent. La proposition de modification de la loi prévoit que les conseillers et les avocats soient également soumis à la LBA.
Les modifications actuelles apportent un éclairage intéressant sur le rôle des conseillers. Les dispositions concernant les conseillers faisaient déjà partie d'un projet de loi antérieur, mais le Parlement les avaient alors rejetées. D’une certaine manière, il s’agit d’insuffler un nouveau souffle à d’anciennes idées pour répondre aux défis actuels. Cela illustre la volonté de la Suisse de s'adapter à l'évolution des normes mondiales. Les discussions sur le rôle des conseillers dans la LBA reflètent cette situation changeante et sont cruciales pour l'avenir du secteur financier suisse.
On entend par conseillers et avocats les personnes qui exercent à titre professionnel pour leurs clients des activités spécifiques, notamment la préparation et l'exécution des transactions suivantes:
- vendre ou acheter un immeuble
- créer une société, une fondation ou un trust
- gérer ou administrer une société, une fondation ou un trust
- organiser les apports d’une société
- vendre ou acheter une société
- fournir une adresse ou des locaux destinés à servir de siège à une société, une fondation ou un trust
- agir en qualité d'actionnaire pour le compte d'une autre personne
Le projet de loi prévoit de soumettre les conseillers et les avocats aux mêmes obligations de diligence que les intermédiaires financiers, mais sur la base d'une approche fondée sur les risques. Cela comprend l'identification des clients, la vérification de l'ayant droit économique, la clarification du but de l'activité ainsi que la gestion d'une documentation appropriée et le respect des obligations d’annonce en cas de soupçon de blanchiment d'argent, le tout dans le respect permanent du secret professionnel. Un organisme d’autorégulation (OAR) sera chargé de contrôler le respect de ces nouvelles obligations. Les autorités de surveillance cantonales assureront la surveillance des avocats soumis à la loi sur les avocats (LLCA).
Mise en œuvre de mesures supplémentaires de lutte contre le blanchiment d’argent
Le projet de loi prévoit également de nouvelles mesures pour renforcer la lutte contre le blanchiment d'argent:
- Obligation de garantir des mesures organisationnelles afin d'éviter les infractions aux sanctions prévues par la loi sur les embargos (LEmb)
- Création d'une base légale pour l'échange d'informations entre les OAR, les OS et la FINMA
- Création d'une base légale formelle pour les sanctions à l'encontre des intermédiaires financiers afin de renforcer la fonction de surveillance des OAR
- Ancrage dans la loi d'un format uniforme de transmission des communications du MROS
- Abaissement à CHF 15'000 du seuil pour les paiements en espèces dans le commerce des métaux précieux et des pierres précieuses
- Suppression du seuil pour les obligations de diligence dans le négoce de biens immobiliers
Entrée en vigueur des nouvelles dispositions
Encore incertaine, l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions est toutefois prévue pour 2025. La date d'entrée en vigueur dépendra des résultats de la consultation et de la durée des débats parlementaires.
Vous avez des questions sur la loi sur le blanchiment d’argent?
Nous sommes là pour vous et nous nous ferons un plaisir de vous conseiller.